Randonner festivement
Ma chronique «Petites expériences pédestres» en est à sa cinquantième édition. Pour marquer dignement le coup, j’avais imaginé des festivités ambitieuses: parcourir 50 kilomètres en une seule étape, soit un kilomètre par chronique. Au programme, l’itinéraire Frinvillier (BE)-Holderbank (SO) par les crêtes, avec plus de 2300 mètres de dénivelé positif. Durant les jours précédant cette randonnée plutôt corsée, j’ai économisé mes jambes (ni jogging, ni vélo) et mangé des pâtes tous les soirs, comme avant un marathon. Semblant vouloir soutenir mon projet un peu fou, la météo s’annonçait radieuse pour le jour J. De plus en plus radieuse. Trop radieuse! La veille de mon aventure, les alertes canicule s’enchaînent. Et ce n’est pas à 1000 mètres d’altitude que le mercure sera plus clément. Raisonnable, je finis par renoncer. Pour me consoler, je me répète intérieurement la phrase si souvent imprimée sur les pages de ce magazine: le but, c’est le chemin.
Le lendemain matin à 8h, je descends du car postal à Aeschiried, au-dessus de Spiez. Cap sur le Morgenberghorn, où j’espère échapper à l’oppressante chaleur qui règne en plaine. La marche d’approche vers Suld, qui s’effectue à plat dans une vallée ombragée, est l’occasion idéale de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur et me remémorer les meilleurs moments liés à cette chronique qui a démarré en janvier 2014. Notamment ma toute première «petite expérience». Les plus fidèles d’entre vous, chers lecteurs, s’en souviennent peut-être: je m’étais fixé pour objectif de converser avec chaque personne croisée durant une randonnée en solo au départ de Laupen. Le hic? Durant la majeure partie de cette excursion placée sous le signe de la pluie, je n’avais pas croisé âme qui vive.
Un autre souvenir fort, c’est celui de la virée en direction de Mürren en compagnie d’une femme randonnant avec son déambulateur et de mon fils de 5 mois installé dans sa poussette sport. Il y a aussi celui de la marche à l’aveugle (c’est-à-dire les yeux bandés) sur des kilomètres dans la région du Napf, guidée par la voix d’une amie. Ou encore celui de l’exigeante randonnée de plus de 30 kilomètres (de Kandersteg à Varone en passant par la Gemmi) pour aller me faire couper les cheveux chez ma coiffeuse retournée vivre en Valais. Sans oublier non plus l’itinéraire dicté par les dés – je jetais le petit cube à chaque panneau jaune pour déterminer la direction à prendre – qui m’a menée de Zimmerwald à Oberbalm en zigzaguant de façon totalement incohérente à travers la campagne.
Ce que j’ai constaté, c’est qu’au fil des ans, ma chronique a évolué. Les petites expériences, que j’étais activement allée chercher au début, ont fini par me tomber dessus d’elles-mêmes. Mon fils n’y est pas pour rien, lui à qui il arrive sans cesse des mésaventures improbables, telles que se faire asperger de purin dans l’Emmental ou tomber tout habillé dans un étang juste avant de partir en randonnée hivernale au col des Mosses. Je ne peux d’ailleurs que vous inviter, chers lecteurs, à réfléchir au terme de chacune de vos randonnées à quelle anecdote pourrait faire l’objet d’une chronique. En ce qui me concerne, l’affaire est déjà entendue: la semaine dernière, lors d’une marche au-dessus de Torgon, j’ai assisté à la chute – aussi triste qu’impressionnante – d’un bouquetin du haut d’une falaise.
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