Trimballer un sac à dos de 15kg
Trimballer un sac à dos de 15kg
«Prête?» Pour me donner du courage, je lance un dernier coup d’œil à la Couronne impériale, qui s’étale majestueusement en face de moi. Puis j’acquiesce d’un hochement de tête avant de m’élancer à contrecœur sur la pente. Quelques dizaines de mètres plus bas à peine, l’herbe recouverte de neige cède la place au vide.
Comme mue par un réflexe de survie, je tente de nous arrêter mais il est trop tard: l’imposante voile orange et verte est déjà gonflée au-dessus de nos têtes et nous tire inexorablement vers l’avant. Au moment de basculer dans le précipice, je ferme les yeux. Lorsque je les rouvre, nous sommes dans les airs.
La première chose qui me frappe, c’est la sensation de calme, comme si nous planions tout là-haut, au-dessus des Plats de la Lée. Rien à voir avec l’impression de vitesse que donnaient ces parapentes tourbillonnants que j’ai eu l’occasion d’observer tant de fois au cours de randonnées. «C’est trompeur, on est à plus de 40km/h», me glisse en rigolant Alex. Histoire de bien enfoncer le clou, il nous fait faire une rotation – dans l’axe, heureusement – de 180 degrés. Je suis prise d’un haut-le-cœur et grommelle: «Si tu étais assis devant moi plutôt que derrière, tu ferais davantage attention à ménager mon estomac…»
Lorsque cet ancien collègue – qui propose des vols biplaces depuis quelques mois – m’a suggéré un baptême de l’air en parapente, j’ai essayé de le faire changer d’avis, insistant lourdement sur le fait que je suis à la fois sujette au mal des transports et à la peur de l’avion. «Ne t’inquiète pas, si le premier vol se passe mal, nous en resterons là et irons faire une rando à la place.» A la place de quoi? «Ben des deux-trois vols suivants…» Las, son enthousiasme débordant a achevé de me convaincre. Je me suis donc retrouvée dans les toilettes de la station inférieure du téléphérique de Zinal, par un samedi matin particulièrement frais, en train d’enfiler tous les vêtements de rechange lancés pêle-mêle dans mon sac avant de partir de la maison. «On risque de se les geler en l’air», m’avait prévenu Alex à la descente du car postal.
En sortant de la cabine sur les hauts de Sorebois, nous avons décidé de gravir à pied quelque 200 mètres de plus, afin de bénéficier du petit-vent de sud-ouest soufflant là-haut, qui nous permettra de décoller sans trop courir. J’ai alors crânement proposé à mon pilote d’échanger nos sacs et de me charger de porter le parapente. Après tout, j’ai l’habitude de trimballer – en plus des miennes – les affaires de mon fils lors de nos sorties en montagne, cailloux et bâtons trouvés en chemin y compris. Dix minutes plus tard, j’étais en nage et réalisais je n’avais plus un seul vêtement sec sous la main. En plus, j’avais le dos en compote. Mais plutôt mourir que de l’avouer. J’ai scotché le sourire le plus détendu possible sur mon visage, rentré les épaules et continué à monter. «Il est plutôt léger, non?! Pour un biplace, 15kg, c’est relativement peu», m’a informée joyeusement Alex.
Finalement, des vols, nous en avons fait trois durant cette journée d’initiation. A partir du deuxième, j’ai insisté pour décoller directement à la sortie de la cabine, quitte à devoir courir un peu plus. Après tout, ma fierté a ses limites.
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